LES MESURES DE PROROGATION DES DELAIS ECHUS PENDANT LA PERIODE D’URGENCE SANITAIRE

La loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, toutes mesures pour faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du Covid-19.
A ce titre, afin de préserver les droits de tous et de s’adapter aux contraintes du confinement, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a été prise spécialement pour traiter de l’aménagement des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

I – Le champ d’application des mesures de prorogations (article 1)

Sont concernés par les mesures de cette ordonnance, les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré et le cas échéant prorogé, sur le fondement des articles L. 3131-20 à L. 3131-22 du code de la santé publique (période dénommée « période de suspension des délais »).

L’état d’urgence sanitaire initialement prévu jusqu’au 23 mai 2020 inclus vient d’être prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020.

A ce jour, les dates à retenir sont donc :

• 12 mars 2020 : date de début de la période de suspension des délais
• 10 juillet 2020 : date actuelle de fin de l’état d’urgence sanitaire ;
• 10 août 2020 : date de fin de la période de suspension des délais (10 juillet + 1 mois).

En conséquence, le terme des délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 n’est pas reporté et les délais dont le terme est fixé au-delà du 10 août (à ce jour) ne sont ni suspendus, ni prorogés.

Sont exclus de ce champ d’application, quand bien même arriveraient-ils à échéance durant cette période :

• les délais applicables en matière pénale et procédure pénale ;
• les délais applicables en matière d’élections (régies par le code électoral)
• les délais encadrant les mesures privatives de liberté;
• les délais concernant les procédures d’inscription à une voie d’accès de la fonction publique ou à une formation dans un établissement d’enseignement ;
• les délais relatifs aux opérations sur les instruments financiers – obligations financières et garanties y afférentes – (tels que mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du Code Monétaire et Financier) ;
• les délais impartis dans les conventions conclues dans le cadre d’un système de paiement et systèmes de règlement et de livraison d’instruments financiers (article L. 330-1 du Code Monétaire et Financier) ;
• les délais et mesures aménagés en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie

Sont inclus dans le champ d’application, sous réserve, les mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantie, sous réserve qu’elles n’entrainent pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020.

II – Les mécanismes de mise en œuvre de la prorogation

A – Le report des termes et des échéances (article 2)

L’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée, elle permet seulement de considérer comme n’étant pas tardif parce que réalisé dans le délai supplémentaire imparti :

• L’acte qui aurait dû être accompli pendant la période de suspension des délais (entre le 12 mars et le 10 août à ce jour)
• L’acte « prescrits par la loi ou le règlement »

Ces actes doivent être fait dans le délai légal ou réglementaire prévu initialement, à compter de la fin de cette période, avec une durée maximale de 2 mois (soit à l’heure actuelle, une prorogation maximum allant jusqu’au 10 octobre 2020).

Il n’y aura donc pas de sanction dès lors que l’acte est réalisé dans le cadre de la prorogation desdits délais.

À noter : Les actes prévus par des stipulations contractuelles sont exclus, le paiement des obligations contractuelles devant toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat. Les dispositions de droit commun restent applicables le cas échéant si leurs conditions sont réunies et sous réserve de l’appréciation du juge. Peuvent ainsi s’appliquer par exemple la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir en application de l’article 2234 du code civil, ou encore le jeu de la force majeure en matière contractuelle prévue par l’article 1218 du code civil.

B – Mesures administratives et judiciaires (article 3)

L’article 3 de l’ordonnance fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration de la période de suspension des délais, dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps.

Il s’agit des mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale, des mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation, des mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction, ainsi que des autorisations, des permis et des agréments.

En toute hypothèse, lorsque ces mesures ont été prononcées avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi.

C – Interruption et prorogation des astreintes et de certaines clauses (article 4)

Il s’agit de fixer le sort des astreintes et des clauses contractuelles visant à sanctionner l’inexécution du débiteur.

Les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets pendant la période de suspension des délais sont suspendues : leur effet est paralysé ; et elles prendront effet un mois après la fin de cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là.
Les astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 voient quant à elles leur cours suspendu pendant la période de suspension des délais, elles reprendront effet dès le lendemain.

D – Prolongation des conventions (article 5)

L’article 5 de l’ordonnance prévoit la prolongation de deux mois après la fin de la période définie au I de l’article 1er des délais pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l’opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans une période ou un délai qui expire durant la période de suspension des délais.