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Peut-on négocier les redevances d’une convention d’occupation temporaire du domaine public suite à la situation de crise sanitaire ?

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Plusieurs fondements juridiques peuvent être envisagés afin de permettre au titulaire d’une convention d’occupation temporaire du domaine public de négocier à la baisse le montant des redevances à payer lors de la réouverture de l’établissement après la période de crise sanitaire

I – La force majeure : afin d’obtenir la suspension des redevances

Le Conseil d’État a jugé que pour être qualifié de force majeure, l’évènement devait remplir les conditions d’extériorité par rapport à la partie qui l’invoque, d’imprévisibilité au moment de la conclusion du contrat et d’irrésistibilité au regard des moyens dont dispose le cocontractant pour l’exécution de ses obligations (CE. 29 janvier 1909 n° 17614 Compagnie des messageries maritimes ; CE. 10/04/2009, n° 295447).
Il ne fait aucun doute que la pandémie de covid-19 constitue un événement extérieur, échappant au contrôle des parties.
Il s’agit d’une maladie nouvelle, mortelle, pour laquelle aucun vaccin n’a encore été conçu, et dont la vitesse de propagation a déjoué tous les calculs. La condition d’imprévisibilité devrait être remplie si le contrat a été conclu avant le 17 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire).
Concernant l’irrésistibilité, le covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour l’éradiquer doivent représenter un obstacle insurmontable à l’accomplissement des obligations du cocontractant à savoir le paiement des redevances.
En matière de contrat public en général, la caractérisation d’un cas de force majeure empêchant l’exécution normale du contrat devrait permettre, en principe, l’exonération de la responsabilité contractuelle du cocontractant de l’Administration, voire la prise de mesures compensatrices destinées à remédier aux pertes subies et assumées par le cocontractant.
Dans un arrêt du 8 janvier 1925, Société Chantiers et ateliers de Saint-Nazaire Rec. CE 1925, p. 28, le Conseil d’État a considéré que, sauf stipulation contractuelle contraire, le titulaire d’un contrat public pourra se voir indemnisé des pertes subies imputables à l’évènement constitutif de force majeure, à l’exclusion de toute autre indemnité.
Pour ces raisons, le titulaire d’une convention d’occupation temporaire du domaine public peut invoquer la force majeure afin d’obtenir la baisse des redevances à payer lors de la réouverture.

II- L’imprévision : afin de renégocier le contrat

La théorie de l’imprévision en France a été érigée par l’arrêt du Conseil d’État Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux (CE 30 mars 1916, n° 59926) dans l’optique d’aider le cocontractant de l’administration à poursuivre l’exécution de la convention.
Cette théorie s’applique généralement aux contrats de concessions mais elle trouve également application en présence de conventions d’occupation du domaine public prises dans le cadre d’une mission de service public, de la gestion d’un service public ou de l’exécution de mesures prises dans un but d’intérêt général, (Cf jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 août 1998, 951837, mentionné aux tables du recueil Lebon et Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19).

Elle permettrait alors à son bénéficiaire de continuer l’exécution du contrat, par l’octroi d’une indemnité, lorsqu’il fait face à un évènement imprévisible, extérieur et de nature à bouleverser l’économie du contrat.
Comme pour la force majeure, la pandémie de covid-19 constitue un événement extérieur aux parties et imprévisible si le contrat a été conclu avant le 17 mars 2020.
Pour envisager une renégociation, l’économie du contrat doit être bouleversée par le covid-19 et ses conséquences, notamment les mesures gouvernementales prises pour tenter de l’éradiquer.
Il est nécessaire que les surcoûts entrainés par le titulaire soient d’une certaine importance. La jurisprudence a pu retenir que le minimum des surcoûts se situe entre 5 et 10 % du montant du marché (CE 30 novembre 1990, n°53636).
A titre d’exemple, pour une activité de change de devises internationales dans un aéroport, l’économie du contrat peut être bouleversée par les décisions gouvernementales de fermeture des frontières européennes au reste du monde.
En effet, si au moment de la réouverture du bureau de change, seulement peu de voyageurs hors Union européenne sont usagers de l’aéroport, l’activité de change sera considérablement en baisse. Avec une baisse drastique du chiffre d’affaires, l’exploitant d’un tel commerce serait alors dans l’incapacité de payer les redevances contractuellement fixées, en général, en fonction, outre du chiffre d’affaires annuel, du flux total de passagers fréquentant l’aéroport, ce qui entraîne un bouleversement de l’économie du contrat.

Il ressort de ce qui précède que tout titulaire d’une convention d’occupation du domaine public ci-dessus évoqué peut invoquer la théorie générale de l’imprévision afin de renégocier son contrat dès lors que l’économie entière de son contrat est bouleversée en ce sens que son exécution est devenue excessivement onéreuse et ce du fait d’un changement de circonstances imprévisible et extérieur aux parties.
Il peut ainsi, sous réserve de démontrer la réunion de l’ensemble des conditions, être demandé à l’administration concernée une réduction des redevances.